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Ça prend tout son sens

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De nombreuses caractéristiques différentes définissent une même espèce. Pourtant, l’anthropocentrisme a longtemps mis à mal les avancées scientifiques en éthologie. En effet, on testait l’intelligence des animaux sur des facultés humaines et non sur les facultés adaptées à leurs milieux naturels. C’est ainsi que le gibbon fut qualifié de “simple d’esprit” parce qu’il n’utilisait pas de bâton pour attraper une banane à l’extérieur de sa cage alors que tous les chimpanzés réussissaient l’expérience. C’est le primatologue Benjamin Beck qui comprit un peu plus tard que ce n’était pas une question d’intelligence mais d’anatomie. Effectivement, la main du gibbon est différente de la notre et de celles des autres singes. La sélection naturelle a emmenée le gibbon à avoir des mains conçues pour se suspendre aux branches des arbres mais pas pour ramasser un objet sur une surface plane (le pouce du gibbon est trop petit et trop bas comparé à ses autres doigts, ce qui l’empêche de faire une pince avec son pouce et son index). [1]

Face à la subjectivité de l’intelligence, cette anecdote nous rappelle que l’humilité et l’ouverture d’esprit sont importants pour entrevoir toutes les richesses de notre monde mais aussi que la stigmatisation et le jugement précoce sont une entrave à la compréhension de ce qui nous entoure. C’est pourquoi lorsque votre chien ne vous comprends pas, passe quatre fois à côté de la balle sans la voir, lèche un pipi ou aboie sans raisons apparentes évitez de le traiter tout de suite de “simple d’esprit”. Sa conception du monde et ses facultés sont bien différentes de celles des humains. Et parce que la perception de notre environnement dépend de nos cinq sens, j’ai effectué une comparaison entre le chien et l’humain autour de la vue, de l’ouïe et de l’olfaction. Ainsi, vous pourrez vous mettre à la place de votre compagnon plus facilement.

La vue

Contrairement à certaines idées, l’être humain n’a pas le monopole de la couleur. Dans le règne animal, il existe différente type de vision adaptée aux besoins propres de l’espèce. Ce qui fait la spécificité de l’homme c’est la polyvalence de son œil. En effet, nous pouvons voir sous l’eau, apercevoir le mouvement. Notre œil s’adapte aux différents contrastes et à la lumière le tout dans un panel de couleurs très variés. En résumé, notre œil a de nombreuses facultés différentes ce qui entraîne des performances spécifiques moins développées que chez les animaux (la vision nocturne, acuité visuelle très développée…). [2]

La rétine des chiens est plus adaptée que la notre pour la vision nocturne. En effet, elle contient plus de bâtonnets que l’œil humain (récepteur de nuit). De plus, sous la rétine du chien se trouve une couche réflective (tapetum lucidum) qui renvoie la lumière directement à la rétine. C’est pourquoi les yeux des chiens réfléchissent dans la nuit. [3]

Le champ visuel du chien est beaucoup plus large que celui de l’humain. Selon la morphologie des chiens, le champ visuel total peut atteindre 287°. Par exemple, les lévriers qui ont les yeux placé latéralement sur leur crâne.

Les être humains ont une acuité visuelle très développée (capacité à distinguer la différence entre deux objets de loin), les chiens n’ont pas cette performance. Cependant, leur capacité de prédateurs leurs permettent de distinguer d’infimes mouvements qui nous seraient pratiquement imperceptible [4].

Vision d’un homme de 1m60 [5]
Vision d’un chien de 65cm au garrot [5]
Vision d’un chien de 15cm au garrot [5]

Parlons maintenant de couleur ! Nous avons une vision trichromatique, c’est à dire que nous avons trois groupes de cônes différents nous permettant de distinguer les couleurs. Les chiens sont dichromatique, ils ont deux groupes de cônes différents, ils voient donc moins de couleurs que nous. Sur les images ci-dessus vous avez la vision d’un humain de taille modérée (un sympathique 1m60), celle du milieu représente la vision d’un berger allemand, et la dernière celle d’un chihuahua. La taille du chien joue donc énormément sur ce qu’il voit puisque le chihuahua ne pourra voir la balle suspendue à l’arbre qu’en levant la tête. Vous constaterez également que la la couleur de l’herbe côté vision canine est plus jaune que verte. C’est une des raisons qui fait que les chiens ne trouvent pas rapidement cette balle que l’on voit si bien au milieu du champ !

Du coté de l’humain

Perception des mouvements limités

Vision trichromatique

Vision nocturne réduite

Vision binoculaire 120°

Champ visuel total 220°

Du coté canin

Mauvaise Acuité visuelle

Grande perception des mouvements

Vision dichromatique

Bonne vision nocturne

Vision binoculaire 60°

Champ visuel total de 250 à 287°

L’ouïe

Une onde sonore peut être observée selon trois paramètres : Sa fréquence, son amplitude et sa forme. [6]

La fréquence représente la hauteur (son aigu, grave). Un homme entend de 64 à 23 000 Hertz et le chien de 67 à 45 000 Hertz. Le chien peut donc entendre un panel de sons aigus plus que nous ne pouvons percevoir, comme par exemple celui de petits rongeurs. Le son de certains électroménager peut également leur emmener des nuisances sonores.

L’amplitude représente l’intensité calculé en décibels. L’homme perçoit les décibels entre 0 et 120.

La forme correspond au timbre du son, à la voix.

L’oreille externe du chien est mobile ce qui lui permet de mieux évaluer la provenance du son. Les chiens ayant des oreilles droites ont cette aptitude plus développées. Cependant l’homme serait meilleur pour la localisation avec précision d’un son. En effet nous sommes en mesure de trouver la localité d’un bruit proche à un angle de 1° contre 8° pour un chien [7].

En France, il est désormais interdit de couper les oreilles des chiens pour des critères esthétiques. En plus de causer une douleur à l’animal cela peut affecter ses capacités auditives.

Du coté de l’humain

Entend de 64 à 23 000 Hertz

Oreilles externes fixes

Distingue le son à un angle de 1°

Du coté canin

Entend de 67 à 45 000 Hertz

Oreilles externes mobiles

Distingue le son à une angle de 8°

L’odorat

Les odeurs arrivent dans le nez par l’air inspiré. Les molécules odorantes volatiles se logent dans la muqueuse olfactive. Ces molécules sont alors absorbées par les cellules sensorielles de l’épithélium qui transmettent aux neurorécepteurs l’information olfactive recueillie. [8]

Le chien est un expert de l’olfaction avec un épithélium pouvant atteindre 150cm2 contre 5 cm2 chez l’homme. [9] Il a une capacité pour sentir plus d’odeurs même les plus infimes. De nombreux centre utilisent cette capacité pour la recherche de maladie (kdog, acadia…).

Pour qu’une odeur soit sentie elle doit être forcément volatile. C’est ce qui rend le pistage difficile selon les situations. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte [10]:

  • La température : Une odeur se diffusera plus rapidement s’il fait chaud et sera bloquée par le gel. Une forte chaleur peut également détruire certaines odeurs
  • La lumière : Une lumière intense peut détruire une odeur
  • L’humidité : Les odeurs sont solubles, si la dilution est trop importante, l’intensité de l’odeur sera réduite. Lorsque l’humidité est modérée (brouillard ou bruine), il n’y a pas d’impact sur l’olfaction
  • Le vent : Le vent propage et déplace les odeurs. S’il n’y a pas de vent les odeurs resteront concentrées dans une zone. Un fort vent peut être particulièrement perturbant pour les chiens. Ils reçoivent des informations olfactives difficiles à localiser.
  • Le terrain : Si un terrain est trop dense, il sera plus difficile de discriminer les odeurs. Un terrain lisse sera plus facile pour suivre une piste. Cependant sur un terrain lisse avec du vent, l’odeur sera plus volatile et se déplacera plus rapidement.
  • Le temps : Une odeur met un certain temps à se diffuser puis à se dissiper.

Du coté de l’humain

Épithélium 5 cm2

Gènes récepteurs olfactifs 400

10 millions de cellules olfactives

Du coté canin

Épithélium 150 cm2

Gènes récepteurs olfactifs 872

200 millions de cellules olfactives

Sources

  1. Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligence des animaux de Frans de Waal, Chapitre 1
  2. https://www.visilab.ch/fr/magazine/divertissement/vision-des-animaux
  3. Comment voit mon chien ?, centre vétérinaire DMV
  4. Chien une histoire naturel, Adam Miklosi, la vue des chien
  5. https://dog-vision.andraspeter.com/tool.php
  6. Thèse vétérinaire de 2003 : contribution à l’étude de l’anatomie fonctionnelle de l’oreille et de la surdité chez les carnivores domestique; Ludovic Arthur Simeon
  7. Chien une histoire naturel, Adam Miklosi, l’ouïe des chiens
  8. Thèse vétérinaire de 2003 : Contribution à la sélection et à la formation des chiens et maitres de chiens de la gendarmerie nationale; Emmanuel Jacquet
  9. Chien une histoire naturel, Adam Miklosi, l’odorat et le goût du chien
  10. Thèse vétérinaire de 2008 : Les équipes cynotechniques sapeurs pompiers de France : Recensement national des moyens humains et matériels; Yves Demuliere

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